• La villa Ipatiev rasée par le Politburo

     

    La villa Ipatiev rasée par le Politburo 



    Article de Laurent Brayard
     
     
     
     
     
     
    Le 27 juillet 1977 la décision de raser la Villa Ipatiev était prise et l’ordre donné. L’instigateur était Michel Souslov, membre du Politburo et personnage méconnu de l’époque soviétique qui fut pourtant l’un des plus sombres et des plus terribles de son histoire. Ainsi finissait la villa Ipatiev où avaient été assassinés 59 ans plus tôt Nicolas II et la famille impériale.
     
    Parmi d’autres lieux dramatiques qui furent également détruit, comme par exemple à Paris la fameuse prison du Temple, la Villa Ipatiev reste un symbole de l’horreur et de la tyrannie bolchevique, la famille impériale y étant séquestrée puis exécutée sur l’ordre de Lénine.
      
    Elle devait son nom d’Ipatiev à son ancien propriétaire, l’ingénieur militaire Nicolas Nicolaïevitch Ipatiev.
      
    Elle fut choisie par les Bolcheviques dans le printemps 1918, pour accueillir provisoirement les Romanov et le Tsar déchu. Elle avait été construite seulement en 1897 dans le centre historique de la ville par un autre ingénieur avant de passer dans les mains d’un autre propriétaire puis de Nicolas Ipatiev en 1908.
     
     
    C’était une maison bourgeoise et elle fut bien entendu promptement réquisitionnée par les autorités bolcheviques locales.
      
    La zone d’Ekaterinbourg était à cette époque une région fortement tenue par les communistes, car il s’agissait d’une région minière où la propagande bolchevique et les misères de la condition de mineurs, que nous pouvons bien nous imaginer comme similaires, voire pires qu’en France, avaient créé un terreau propice. C’est dans ces conditions que la maison fut donc réquisitionnée le 27 avril 1918, son propriétaire étant tout bonnement expulsé.
     
     
     
     
     
    La maison fut transformée en véritable forteresse par les bolcheviques, qui construisirent une palissade de bois tout autour et disposèrent plusieurs mitrailleuses sur et dans la maison.
      
    La famille impériale y fut conduite séparément le 30 avril puis le 23 mai 1918, dans l’attente de la suite. Une garde permanente commandée par le commissaire politique Iakovlev et le commandant Avdeïev fut installée dans les murs mêmes de la maison et donnèrent lieu immédiatement à de nombreuses vexations.
      
    La famille impériale qui allait subir le martyr était la cible d’insultes, de mesquineries et de vexations permanentes de la part des gardes jusqu’au drame final qui eut lieu dans la nuit du 16 au 17 juillet 1918. La famille, un médecin et plusieurs domestiques étaient impitoyables massacrés dans la cave de la Villa.
     
    La ville ayant été prise par l’Armée blanche de Koltchak quelques temps après et par le corps d’armée tchèque du général Radola Gajda, fut occupé par l’Etat-major de ce dernier et les lieux du massacre mis sur scellés. La défaite finale des blancs et leur reflux en 1919 et 1920, devait plonger la maison Ipatiev dans l’oubli de l’histoire.
      
    Etrangement, ni Lénine, ni Staline n’ordonnèrent sa destruction, comme ce fut le cas de la prison du Temple à Paris, elle restait pourtant le symbole de l’horreur et un lieu potentiel de pèlerinage pour les monarchistes et les orthodoxes, mais il fallut attendre l’époque de Léonid Brejnev pour qu’à nouveau la maison attire l’attention des communistes.
     
     
     
     
     
     
    L’homme qui devait présider à sa fin fut Mikhaïl Souslov, idéologue du parti communiste, membre du puissant Politburo du Parti communiste et Secrétaire du Parti communiste de l’Union Soviétique qu’il avait rejoint dès 1921.
      
    Il était né à la fin de l’année 1902 et se trouvait donc trop jeune pour prendre une part active à la Révolution de 1917, mais il devait prendre très vite une importance réelle, une véritable éminence grise. Un moment professeur d’université, il organise sous la houlette de Staline les purges du Parti dans l’Oural de 1933 et 1934, premières et terribles responsabilités, avant d’être nommé en récompense de« ses efforts » au comité central du Parti communiste en 1939.
     
     
     
     
    Son zèle et sa froideur devait le conduire à continuer d’exécuter les besognes « difficiles »,notamment durant la Seconde Guerre mondiale où il fut en charge de la déportation des tchétchènes et de diverses communautés islamiques (déjà !) des régions du Caucase, qui auraient pu se trouver favorable à l’arrivée des troupes allemandes durant l’été 1942.
      
    S’étant acquitté de sa tâche ave brio, Staline devait encore lui confier après 1944 la répression en Lituanie, lors de la libération de ce petit état balte par les troupes de l’Union soviétique. La population locale eut beaucoup à souffrir de sa rudesse et de son fanatisme, des villages entiers furent liquidés et déportés en Sibérie.
     
     
    Ayant échappé à la vindicte de Staline et à sa paranoïa maladive, Souslov fut promu en 1952 membre du tout puissant Politburo, place où il devait jouer un rôle très important jusqu’aux portes de la mort. C’est en partie grâce à son soutien que Léonid Brejnev put mettre à l’écart et évincer Khrouchtchev en 1964.
      
      
    A cette époque, il était réellement devenu l’idéologue impitoyable du Parti communiste, et fut le mentor de personnages aussi célèbres que Youri Andropov ou encore d’un certain Mikhaïl Gorbatchev… C’est sous « son règne » idéologique incontesté que la maison Ipatiev est donc rasée un jour de juillet 1977, alors que le régime soviétique avait déjà connu son âge d’or mais pouvait voir apparaître certaines fissures dans le système. Souslov disparaissait en janvier 1982, Brejnev le rejoignant dans la tombe quelques mois plus tard en novembre.
     
    La mort des deux grandes figures du Parti, et en particulier de l’idéologue Souslov devait déclencher une lutte âpre pour le pouvoir.
      
    Bien que les preuves historiques manquent et qu’un habile nettoyage des archives empêchera d’établir la vérité, Souslov, Andropov et Brejnev sont peut-être à l’origine de l’attentat du 13 mai 1981 contre le Pape polonais Jean-Paul II, une « anecdote historique croustillante » de plus dans cette triste histoire.
      
    Toutefois en rasant la villa Ipatiev, Souslov et ses complices ne pouvaient malgré toute leur bonne volonté effacer le crime odieux commit dans ses murs. L’ironie du sort, fut que la destruction de ce lieu historique fut confié aux soins d’un certain Boris Eltsine alors Premier secrétaire du parti communiste d’Ekaterinbourg (qui se nommait Sverdlovsk de 1924 à 1991).
     
     
     

     
     
     
    La maison jusqu’au bout aura été mêlée à de grands personnages de l’histoire mais les pelleteuses et les bulldozers du Politburo auront toutefois privée la Russie d’un lieu qui serait (tout comme la prison du Temple à Paris), un formidable lieu touristique, un lieu emblématique d’une extraordinaire portée.
     
    Souslov ne pouvait prévoir la faillite totale de son idéologie et la continuité de la maison Ipatiev comme lieu de repentance. Le terrain fut en effet remis par les autorités russes à l’Eglise Orthodoxe dès 1990.
      
    Elle lança en l’an 2000 les travaux d’une Eglise, l’Eglise de tous les Saints qui fut consacrée en 2003. Ainsi malgré sa destruction, la maison Ipatiev est bien encore debout, tout un chacun peut s’y rendre pour s’y recueillir, et elle reste à jamais dans les cœurs russes ou de ceux des amis de la Russie.
     
     
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