• Histoire de la Photographie russe de 1860 ...

     

     

    L’exposition Primerose organisée par le Foam Fotografiemuseum à Amsterdam est consacrée à la naissance et au développement de la couleur dans la photographie russe de 1860 à 1970. Regroupant les oeuvres des classiques de la photographie russe tels que P.Pavlov, K.Bergamasco, V.Mikoch, ou B.Mikhailov, elle retrace les changements survenus au cours d’un siècle dans la vie d’un pays qui a connu des catastrophes historiques, politiques et sociales, et témoigne du rôle que joua la photographie pendant toute cette période.

     

    A. Nechayev. Portrait of girl. 1860s. Salted paper, covered by albumen, painting. Collection of Moscow House of Photography Museum © Moscow House of Photography Museum

     

    La couleur fait son apparition dans la photographie russe à peu près au même moment qu’en Europe, c’est à dire dans les années 1860. C’est lié à la coloration à la main des épreuves photographiques à l’aquarelle ou à la peinture à l’huile par les photographes eux-mêmes ou par des peintres qui collaborent avec eux.

    A la fin du XIX siècle, vers 1880-1890, on commence à compléter la photographie coloriée par des éléments d’architecture, des paysages ou des sujets industriels. Les studios d’art de la Laure de la Trinité-Saint-Serge, par exemple, produisent une multitude de photos architecturales représentant des églises orthodoxes. Avoir des studios photographiques auprès des monastères russes était une pratique largement répandue.

    A la fin du XIX- début du XX siècle, l’européanisation de la Russie se manifeste dans le style des bâtiments, les intérieurs, les costumes et le mode de vie. Il y a également une recherche de l’identité nationale : on s’intéresse aux particularités nationales des habitants de l’empire russe ; on voit apparaître de nombreuses séries de photographies coloriées représentant des types nationaux en costumes russes, tatares, caucasiens, ukrainiens etc…

     

    Goertz Triple-Color Projector. Prokudin Gorsky probably used a similar type of projector for his color demonstrations to the Russian Tsar.

     

    Avec l’essor industriel de la fin du XIX-début du XX siècle, on commence à décorer les murs des maisons non plus uniquement de paysages coloriés mais de photos d’ouvrages industriels. Au début du XX siècle, dans les années 1910, les photographies coloriées d’officiers russes – classe sociale de première importance à la veille de la Première guerre mondiale – deviennent particulièrement populaires.

     

    Na si︠e︡nokosi︠e︡ okolo privala. [Rossiĭskai︠a︡ imperii︠a︡]

     

    Documenter la vie de l’Empire russe au moyen de la photographie est quasiment devenu au début du XX siècle un programme national pour la raison, entre autre, que le tsar Nicolas II et sa famille étaient de fervents photographes amateurs.

     

    Vid Solovet︠s︡kago m-ri︠a︡ s sushi. [Solovet︠s︡kie ostrova]

    Вид Соловецкого монастыря с суши. View of the Solovetskii Monastery from land.

    1915
    The Solovetskii Monastery, founded in the early fifteenth century on an island in the White Sea, was for centuries one of the most important monastic and cultural institutions in Russia. The monastery was partially destroyed in the early Soviet period and became the site of the first major concentration camp of the Gulag system. In the post-Soviet era it is once again a functioning monastery.

    Sergei Mikhailovich Prokudin-Gorsky (1863–1944)

    En mai 1909 l’empereur Nicolas II reçoit en audience le photographe Serguei Prokoudine-Gorski, auteur de la brochure « La photographie isochromatique au moyen d’appareils de photo manuels ». Prokoudine-Gorski utilise des plaques photographiques en noir et blanc qu’il sensibilise d’après ses propres recettes et un appareil photographique de sa propre fabrication.

     

    Three-color camera designed by A. Miethe and produced by Bermpohl Company.
    Prokudin-Gorsky used camera of this type.

     

    Il fallait faire trois prises de vue rapides (le photographe a su diminuer au maximum le temps d’exposition) à travers trois filtres, un bleu, un vert et un rouge.

     

     

    Gorod Dalmatov. Vid na zapadnui︠u︡ chastʹ s kolokolʹni monastyri︠a︡

     

    Город Далматово. Вид на западную часть с колокольни монастыря.

    City of Dalmatov. View of the western section from the monastery's bell tower.

    1912

    Ce triple négatif servait à tirer une triple photographie positive. Pour visionner ces photos on utilisait un projecteur à trois objectifs disposés en face des trois images du film. Chacune des images était projetée à travers un filtre de la même couleur que celui qui avait servi à la prendre.

      

    Detalʹ khrama [Voskresenīi︠a︡ na Krovi]

     

    Деталь храма. Detail of the Church. Září (September) 1907

     

    One of the most beautiful churches was built in the years 1883 – 1907 on the place where Tsar Alexander II was killed.

      

    La superposition des trois images sur l’écran donnait une image polychrome. Proskoudine-Gorski sut réaliser une reproduction poligraphique de ses photos qu’il tirait sous forme de cartes postales ou de feuillet à insérer dans les magazines illustrés.

     

     

    Sergey Prokudin-Gorsky. Portrait of Lev Tolstoy. 23rd of May 1908. Offprint © Collection Multimedia Art Museum, Moscow


    St. Nil Monastery, 1910, photographed using three-color photography.

     

    Pendant les premières années post-révolutionnaires, Vladimir Lénine et le nouveau pouvoir Soviétique soutiennent activement la photographie, comprenant qu’elle est un puissant moyen de propagande dans un pays où la population est à 70% illettrée.

     

    On commence par encourager les reportages mais on se rend compte très rapidement que les changements réels survenus après la révolution et la guerre civile dans le pays plongé dans la misère et la ruine n’ont pas grand chose à voir avec les rêves utopiques des ardents révolutionnaires.

      

      

    Dès le milieu des années 1920 c’est le montage photographique, activement encouragé par les bolcheviks, qui se répand largement en Union Soviétique. Le photomontage permettait de réunir l’authenticité du document photographique aux nouveaux mythes soviétiques. Le photomontage, technique employée par les plus talentueux artistes modernistes des années 1920 tels que A. Rodtchenko, G.Klutsis, El Lissitski, V.Stépanova et d’autres, s’arme de la couleur et devient une « arme idéologique visuelle ».

    1932 est l’année de la publication des canons du réalisme socialiste, reconnu comme méthode artistique unique pour tous les arts, y compris la photographie. L’art soviétique devait refléter le mythe soviétique des heureux habitants du plus heureux pays du monde et non la vie réelle de personnes réelles. Le lit de Procuste de l’esthétique du réalisme socialiste ne convenait ni au modernisme avec son esthétique constructiviste ni au pictorialisme.

    Le pictorialisme est un des courants les plus importants de la photographie russe du début du XX siècle, les photographes pictorialistes recevaient des médailles d’or et d’argent aux expositions internationales. La photographie pictorialiste se distinguait non seulement par la méthode de la prise de vue et les techniques compliquées du tirage qui se devaient de rapprocher la photo de la peinture, mais aussi par l’ensemble de ses sujets traditionnels. Paysages romantiques, ruines architecturales, nus – tout cela n’était que dangereuses séquelles du passé contraires au réalisme socialiste. Voilà pourquoi une partie des photographes pictorialistes se retrouva dans les camps du goulag, se vit retirer le droit d’exercer la profession de photographe et de vivre dans la capitale et les villes importantes.

    La pellicule couleur de la compagnie allemande Agfa et celle de la compagnie américaine Kodak apparaissent presque simultanément, en 1936. Leur large distribution et commercialisation pour le public amateur est freinée par la Seconde guerre mondiale.

    Jusqu’au milieu des années 1970, la pellicule négative permettant de tirer des photographies en couleur était en URSS un objet de luxe, accessible seulement à un petit nombre de photographes officiels qui travaillaient pour les grandes maisons d’édition soviétiques. Elle était utilisée par les classiques de la photographie soviétique comme V.Mikoch, G.Petroussov, D.Baltermants, Vs.Tarassevitch et autres. Ils étaient tous obligés de suivre d’une manière ou d’une autre les canons du réalisme socialiste et de faire des reportages mis en scène. Même les natures mortes étaient porteuses d’idéologie et devaient servir pour les livres de cuisine dans lesquels le citoyen soviétique pouvait voir ce qui n’existait pas dans son pays où sévissait la famine d’après-guerre et où les cartes alimentaires étaient toujours en vigueur.

    Yelena Mrozovskaya. Portrait of girl in Little Russia costume. Saint Petersburg. 1900s. Gelatine silver print, painting. Collection of Moscow House of Photography Museum © Moscow House of Photography Museum

    A partir de la fin des années 1950, pendant le dégel khrouchtchevien et la condamnation du culte de la personnalité, les canons du réalisme socialiste deviennent plus souples et permettent une certaine liberté esthétique pouvant rapprocher la photographie de la réalité.

    En 1960-1970 la pellicule couleur diapositive apparaît largement dans le commerce en URSS. Contrairement à la pellicule couleur négative qui exigeait un processus compliqué de développement pour ensuite procéder au tirage, la pellicule diapositive pouvait être développée à domicile. Elle est donc largement employée par les amateurs qui créent des photos diapositives qu’on peut visionner chez soi au moyen de diascopes.

     

    Au même moment on voit apparaître en URSS un art non officiel qui développe son esthétique propre et une nouvelle approche de la conceptualisation de la réalité pour se distinguer du réalisme socialiste qui, certes, se modifie mais continue à s’imposer. La photographie devient une part importante de cet art non officiel. C’est ainsi qu’à la fin de 1960-début de 1970 Boris Mikhaïlov commence à photographier sa série « Suzy et les autres » sur une pellicule couleur diapositive. (…)

     

    Par sa série, Boris Mikhaïlov enfreint les normes et montre l’individu dans son unicité, celle de ses personnages et la sienne. On ne pouvait pas faire une démonstration publique de ces prises de vue mais on pouvait projeter des diapositives chez soi, dans les ateliers des amis peintres, dans les petits clubs semi-clandestins des scientifiques et universitaires qui commençaient à revivre au moment du dégel khroutchevien après la fin des répressions staliniennes.

     

    Les séances de projection de diapositives de Boris Mikhaïlov deviennent en quelque sorte des manifestations analogues aux expositions de l’art non officiel organisées dans les appartements privés. Par la couleur il rompait l’uniformité monotone et la tristesse de la vie environnante tandis que ses performances de diapositives contribuaient à unir les personnes dont la conscience et la vie commençaient à s’échapper du filet dogmatique de l’idéologie soviétique qui ne tolérait qu’une seule couleur – la couleur rouge.

    23/01/2013

    Dmitry Baltermants. Meeting in the tundra. From the “Meetings with Chukotka” series. 1972. Colour print. Collection of Moscow House of Photography Museum © Dmitry Baltermants Archive © Moscow House of Photography Museum

    Exposition sous le commissariat d'Olga Sviblova, directrice du MAMM, Moscou.

     
    Exposition, du 25 Janvier 2013 au 3 Avril 2013.
     
    fOAM fotografiemuseum Amsterdam
    Keizersgracht 609, 1017 DS Amsterdam
    tél : +31-(0)20 551 6500

    http://sechtl-vosecek.ucw.cz/en/expozice5.html#color

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