Andreï et Alexeï en 1906, Andreï et Alexeï en 1907 et Andreï seul vers 1908.
Andreï Eremeïevitch Derevenko est connu pour avoir été durant une décennie le garde du corps, commis et infirmier personnel du Tsarévitch Alexeï Nikolaïevitch Romanov.
On dit de lui qu'il était tout à fait dévoué et qu'il aimait sincèrement Alexeï.
Pourtant, au moment de la Révolution russe de février 1917, les événements l'entourant sont troubles et certaines sources venant d'un témoin affirment, à des degrés divers, qu'il a trahi et maltraité son maître. Si l'on prend cela pour vérité officielle sa fin fut tout à fait paradoxale puisqu'il se rangea aux côtés de l'Armée blanche, dans la guerre civile russe, et périt en tant que défenseur de la mémoire de la famille impériale.
Nom : Andreï Eremeïevitch Derevenko
Activités : Paysan ;
Marin ;
Instructeur de gymnastique militaire ;
Dyakha (infirmier, commis et garde du corps) du Tsarévitch ;
Capitaine en chef du yacht impérial ;
Officier de l'Armée blanche
Naissance : 19 août 1878 au village de Goronay, paroisse orthodoxe de Chertoribskaïa, comté de Novogradvolynsky, province de Volhynie, goubernia de Petite-Russie ( la majeure partie de l'Ukraine actuelle ), Empire de Russie
Décès : 1921 à Tifa, République fédérative socialiste soviétique de Russie
(R.F.S.S.R.) ( à l'âge de 42 ou 43 ans )
Père : Eremeï ... ( ? ) Derevenko
Mère : ( ? )
Conjoint : Sysoeva Evdokia Akhmatova
Descendance : Alexeï Andreïevitch (1904 - ?) ;
Sergueï Andreïevitch (1908 - 1990 à
Leningrad -Saint-Pétersbourg-) ;
Aleksandr Andreïevitch (1912 - ? )
themauveroom:
Nicholas II, Grand Duchess Anastasia and Tsarevich Alexei: 1914.
Histoire
Origine et carrière professionnelle.
Andreï Eremeïevitch Derevenko ( Андрей Еремеевич Деревенько en russe ) est né le 19 août 1878 dans le village de Goronay, situé dans la paroisse orthodoxe de Chertoribskaïa, elle-même située dans le comté de Novogradvolynsky, dans la province de Volhynie (région de Jytomyr), au sein du goubernia de Petite-Russie, nom utilisé à l'époque pour faire référence à l'Ukraine.
Il est issu d'une famille paysanne et de religion chrétienne orthodoxe à rite russe.
A l'extrême fin des années 1890 il fait la connaissance de Sysoeva Evdokia Akhmatova ( Сысоева Евдокия Ахматова en russe ) à Saint-Pétersbourg, la capitale impériale. Ils finissent par se marier et donnent naissance à trois enfants :
Alexeï ( nommé en hommage au Tsarévitch )
Andreïevitch Derevenko ( Алексей Андреевич Деревенько en russe ) naît en 1904,
Sergueï Andreïevitch Derevenko ( Сергей Андреевич Деревенько en russe ) naît en 1908 et
Aleksandr Andreïevitch Derevenko ( Александр Андреевич Деревенько en russe ) naît en 1912.
Les fils Derevenko avaient la Tsarine Alexandra Feodorovna ( Царица Александра Федоровна en russe ) pour marraine et le Tsarévitch Alexeï Nikolaïevitch ( Царевич Алексей Николаевич en russe ) pour parrain, ce qui signifie que les enfants étaient entretenus financièrement parlant par la famille tsariste et qu'ils bénéficieraient d'un début de carrière favorable.
Je vous laisse imaginer l'ascension sociale que cela promettait à la famille de paysans, mais l'avenir ne leur réserva finalement que le retour à l'ombre.
De droite à gauche : Alexeï Andreïevitch, Sergueï Andreïevitch & Aleksandr Andreïevitch et leur parrain,
le Tsarévitch Alexeï Nikolaïevitch en 1914.
Il est à préciser que la famille du marin et celle du médecin Vladimir Nikolaïevitch Derevenko ( Владимир Николаевич Деревенько en russe ), le père de Nicolas Vladimirovitch Derevenko dit Kolya ( Николя Владимирович Деревенько сказал Коля en russe ), n'avaient pas de lien de parenté. Les deux fils aînés du premier et le fils du second furent de bons amis pour le Tsarévitch.
Le yacht impérial, le "Standart".
A la fin du XIXe siècle il s'enrôle dans les réservistes de la marine impériale et est appelé au service actif pour la flotte de la Baltique en 1899.
Le 5 janvier 1900, il a été enrôlé dans la Garde.
En septembre 1901, il est devenu un des instructeurs du service gymnaste des forces armées russes.
Le 1er janvier 1902 il devient membre d'équipage du " Standart ", le yacht impérial. Les marins sélectionnés pour le navire comprenaient des adhérents à la pensée réactive (révolutionnaire) qui se sont expiés de leurs fautes ou au contraire de forts et intelligents monarchistes passé par une phase d'émeutes, mais qui se sont eux aussi repentis.
Mais ils avaient tous une pensée commune :
leur amour profond pour la famille du Tsar de par leur éducation dans le respect presque religieux des Romanov.
Ses fonctions comprenaient :
la connaissance de tous les marins et officiers par leur nom et patronyme, une appréciation de l'activité maritime, la capacité de pouvoir soulever de lourdes charges, le nettoyage des ancres, savoir utiliser une boussole, être en mesure de savoir manœuvrer et naviguer dans des circonstances différents, et bien plus encore ...
Le 12 octobre 1905, lui a été décernée une montre en argent et un manteau portant l'aigle bicéphale des Romanov.
C'était une récompense pour son travail jugé exemplaire.
Et en novembre de la même année il devint Commissaire de la marine impériale.
En décembre 1905 il est cependant de nouveau enrôler pour servir la famille du Tsar Nicolas II sur le " Standart ".
Le yacht impérial, le " Standart " ( photographie colorée sur base des notes de l'époque quand à ce à quoi il ressemblait )
themauveroom:
Grand Duchesses Anastasia and Maria and Tsarevich Alexei having lunch on the Standart with Dr. Botkin: 1910.
Au service de l'héritier
Le couple impérial, Nicolas II et Alexandra Feodorovna, était à la recherche d'un homme de confiance à qui confier la protection de leur fils unique tragiquement atteint par une terrible maladie.
Il semblerait que le choix se porta sur Andreï Derevenko en raison que le jeune Tsarévitch l'appréciait plus que les autres choix possibles parmi les hommes envisagés.
De plus il avait la force physique nécessaire pour remplir une telle mission. Le 13 mai 1906, il a été nommé " dyakha ", un terme russe qui signifie garde du corps, serviteur personnel, infirmier, gardien, tout cela à la fois, de son " Altesse Impériale le Grand-Duc héritier et souverain Tsésarévitch et Tsarévitch Alexeï Nikolaïevitch Romanov de Russie. "
On trouve dans les mémoires d'un fonctionnaire de la famille tsariste : " Il avait deux ans et le Tsarévitch fut assigné au brillant marin Andreï Eremeïevitch Derevenko qui devait le protégeait contre les blessures et qui gardait jalousement à l'abri ses intérêts de l'asservissement.
L'amour du jeune garçon pour le dyakha Derevenko était tendre, chaud et touchant. "
En 1907, le 20 août plus précisément, a eu lieu un malheureux incident qui est aujourd'hui connu comme « l'épave du Standart ».
L'accident s'est produit au cours d'une belle journée dans les fjords ( Un fjord, également orthographié fiord, est une vallée érodée par un glacier avançant de la montagne à la mer, qui a été envahie par la mer depuis la retraite de la glace ) finlandais quand tout d'un coup, le yacht impérial a été violemment secoué à un moment où, il n'y avait apparemment aucune raison que cela arrive.
L'eau se précipita dans la cale, le " Standart " a vacillé et a commencé à couler.
Toutefois, en raison de ses cloisons étanches, le yacht résista finalement. Après tout c'était là le plus grand bateau à but privé du monde.
Malgré tout le vaisseau s'était échoué. Le compte rendu d'Aleksandr Spiridovitch sur l'incident : " Plusieurs petits îlots étaient sur notre gauche.
Nous avons regardé le Standart et les torpilleurs qui l'ont suivi tour à tour dans le détroit.
Mais, qu'est-ce que c'était ?
Que se passait-il ?
Devant nos yeux, le Standart a été violemment secoué, tourné vers l'avant et a lentement commencé à se pencher sur son côté droit.
" Ils ont échoué sur un rocher ! " a crié le commandant.
Nous avons dû aller les aider.
" Conduisez le bateau au port ! " a crié le commandant, et notre bateau torpilleur a fait un demi-cercle élégant et nous montâmes sur le yacht.
Les autres torpilleurs se sont disposés de chaque côté du bâtiment. "
Au moment où survint la catastrophe, le Tsar et sa famille ainsi que les membres de l'entourage prenaient le thé dans le salon.
Tout à coup, ils entendirent un bruit très fort.
Les porcelaines et les vitres éclatèrent en morceaux.
Les plats et les fleurs s'étaient répandus sur le sol. Tout s'est passé très vite. L'Impératrice, terrifiée, a crié.
Les enfants effrayés tremblaient et pleuraient. Seul l'Empereur gardait son calme. Il expliqua à sa famille qu'ils avaient probablement heurté un récif.
Mais il était impossible de dire ce qu'il pouvait encore arriver très prochainement. La Tsarine se précipita vers ses enfants.
Mais, horreur !
Tous recherchaient le Tsarévitch du regard et il n'était nul part.
L'angoisse des parents ne pouvaient être imaginé, ils étaient aussi tous deux hors d'eux.
Il s'est bientôt avéré impossible de faire naviguer davantage la bateau. Des torpilleurs vinrent à sa rencontre de toutes les directions.
Le yacht était penché d'un côté.
Le Tsar se hâta d'aller sur le pont, et a donné l'ordre à tout le monde d'aller à la recherche du jeune héritier d'à peine trois ans.
Ce n'est qu'après un certain temps qu'il a été découvert sain et sauf. Lors de la première alarme, son fabuleux et formidable dyakha Derevenko, le prit dans ses bras et se précipita très prudemment vers les « hauts tuyaux » comme les appelait le jeune Alexeï. Car ils offrent la meilleure chance de sauver le garçon, si le navire venait à sa perte totale. La panique prit fin.
En entendant les sons de l'alarme, tout l'équipage de deux cent septante-cinq/deux cent soixante-quinze personnes accouru sur le pont.
Pendant de longues secondes, un silence très émouvant plana au-dessus du bateau. «
Un canot pour la famille de Sa Majesté ! » a hurlé l'amiral Tchagine sur un ton sonnant étrangement métallique.
Cela a sembler avoir réveiller tout le monde de sa torpeur. Toutes les personnes se mirent à courir dans tous les sens.
L'Empereur le fit aussitôt monter à bord du canot.
Le Tsar se montra d'un calme admirable.
Chaque marin resté dans le bateau échoué effectuait ses tâches assignées en cas d'alerte. Toutes les cloisons étanches ont été verrouillées.
Le photographe Han, qui travaillait sous le pont dans sa petite chambre noire, a échappé de justesse de se retrouver cloîtrer derrière l'une des portes étanches. Il a couru sur le pont, fou de peur.
Les enfants du Tsar pleuraient de peur.
Ils ont été calmé par le Prince Poutiatine.
Étant en danger en restant à bord, les enfants, et Derevenko, ont tous été transporté sur le yacht Eyleken, dont le pilote finlandais Schemann était le capitaine. Rapidement ils furent rejoins par leurs parents.
Une enquête fut plus tard réalisée. Toute la responsabilité tomba sur le pilote, un vieux loup de mer finlandais, qui était en charge de la navigation au moment de la catastrophe.
Mais il était resté dans le pavillon du capitaine de Sa Majesté, et c'est lui qui était responsable, en principe, pour la sécurité de la famille impériale.
Au moment de l'accident, c'était l'amiral Nilov qui était à la manœuvre.
Il se trouvait dans un tel état d'esprit après l'accident que le Tsar se sentait obliger d'aller le voir dans sa cabine.
Il entra sans frapper, le Tsar a alors vu l'amiral penché sur un tableau, avec un revolver à la main.
Le monarque a essayé de le calmer.
Il a rappeler à l'amiral qu'en vertu des règlements de la marine, il devrait passer devant un tribunal d'enquête, mais le Tsar a immédiatement ajouté, qu'il n'y aurait guère l'ombre d'un doute qu'il serait acquitté, car l'accident était totalement imprévisible. Le Tsar a emporté le revolver de l'amiral.
Pour avoir sauvé la vie de l'héritier du trône, Derevenko a reçu en honneur la médaille Saint-George et des manches à chevrons lui furent cousues pour son excellent service. A titre informel, Alexandra Feodorovna le couvrit lui et sa famille de nombreux cadeaux et permis, par exemple, en 1912 à sa femme d'accoucher dans le meilleur hôpital de toute la Volhynie. Le Tsar lui offrit, quand à lui, une montre en or portant l'inscription " marin moustachu " en russe.
Le dyakha Andreï & le Tsarévitch Alexeï en 1909.
En avril de l'année 1911, il a été promu au grade de maître d'équipage du yacht impérial. En 1914, il est devenu un sujet d'honneur du personnel de la cour de la famille tsariste.
L'homme reçut de nombreux ordres et médailles russes et étrangères : ainsi avait-il reçut :
- 1909 : la médaille d'argent du Royaume-Uni et la médaille d'or de la République française ;
- 1910 : une médaille et croix d'argent de l'Ordre de Hesse de Philippe le Magnanime ;
- 1912 : une médaille d'or accompagnée du Ruban de Vladimir
En 1913 le matelot Klémenty Grigorievitch Nagorny ( Клементи Григорьевич Нагорный en russe ) lui est assigné en tant que " aide-dyakha ", c'est-à-dire une sorte d'assistant dans son rôle de protecteur à Alexeï.
Mais pourquoi donc recevoir un second garde du corps à cette époque ?
Alexeï Nikolaïevitch commençait à se remettre de sa grave crise de 1912 et devenait nettement plus actif, la vigilance devait donc être doublée.
Quand il avait neuf ans, le Tsarévitch a reçu pour professeur de français le suisse Pierre Gilliard. Et ce dernier a écris dans ses récits mémorialistes : « J'ai dû me battre avec des fonctionnaires obséquieux et d'autres qui lui vouaient un ridicule mais néanmoins véritable culte.
Et je n'étais même pas surpris, car la simplicité naturelle d'Alexeï a succombé à ces éloges immodérées ». Selon ses notes, le suisse romand (francophone) Pierre Gilliard a trouvé Derevenko particulièrement dérangeant en raison de son comportement ultra-protocolaire.
Ce dernier forçait les gens des classes inférieures, qui venaient à la rencontre du Tsarévitch lors de tâches officielles, à s'agenouiller devant lui.
On peut citer par exemple une fois où une délégation de paysans vinrent offrir un présent à l'héritier du trône.
Alexeï y réagissait en rougissant.
Gilliard interroge son élève et demande s'il aime cette tradition, et ce dernier lui répond
« Oh non ! Mais Derevenko dit qu'il doit en être ainsi ! »
Gilliard lui demanda alors pourquoi il ne le disait pas à son dyakha.
Alexeï lui répondit qu'il « n'osait pas ».
Pierre décide donc d'agir.
Énervé par les flagorneries ambiantes, il intervient d'abord pour que les visiteurs cessent de s'agenouiller devant le jeune Tsarévitch, une coutume qui choque le suisse. Il a écrit :
« L'enfant fut enchanté de se voir délivré de ce qui était pour lui une véritable contrainte ».
A présent abordons un peu le domaine salarial : en 1910, 120 roubles pour l'année lui étaient versés directement depuis la fortune personnelle du Tsarévitch, en 1916 le montant octroyé était monté à 340 roubles toujours pour toute l'année. Si on fait la calcul, l'équivalent moderne est d'environ 12 000 dollars américains soit près de 9 000 euros soit approximativement 407 000 roubles russes contemporains l'année.
C'est une somme décente mais pas astronomique.
Et il ne faudrait pas oublier que la nourriture, le logement, les soins médicaux et la pension donnée à sa femme et ses enfants étaient directement à la charge de la famille souveraine.
De plus le fait de servir un membre de la famille impériale était considéré comme un immense honneur qui comblait le paiement déjà juger important.
Vous vous posez la question de savoir où est-ce qu'il logeait ?
Eh bien tout simplement avec la famille impériale.
Au Palais Alexandre il disposait d'une chambre débouchant directement sur celle du Tsarévitch, ce qui lui permettait d'accourir dès que ce dernier l'appelait vocalement ou musicalement à l'aide de sa cloche.
Lorsqu'ils étaient sur le yacht impérial bâti en 1895 il résidait aux côtés de son protégé dans une même cabine.
Il est à remarquer qu'Andreï Derevenko était probablement, mais sans certitude aucune, analphabète lorsqu'il arrive dans la capitale.
Après tout il provenait d'une famille paysanne et l'analphabétisme était particulièrement courant, une sorte de norme, à cette époque en Russie.
Cependant en fréquentant la famille impériale pendant plus de dix années il est devenu semi-lettré et pouvait, preuves à l'appuis, lire et écrire, le tout à un certain niveau.
Andreï Eremeïevitch était un homme fort et costaud à l'âme charitable. Il aimait tendrement les enfants.
Il a traité le Tsarévitch comme s'il avait été son propre fils.
Alexeï adorait vraiment ce marin.
En raison de son hémophilie, Andreï l'a entouré de ses soins et de ses préoccupations. Avant la Première Guerre mondiale, les enfants aînés, Alexeï et Sergueï, d'Andreï étaient souvent invités pour venir s'amuser avec l'héritier.
Alexeï Nikolaïevitch offrait tous ses vieux vêtements à ses filleuls.
Imaginez un peu l'honneur pour une famille paysanne de recevoir des présents venant de l'héritier du trône, beaucoup aurait volontiers prit la place de la famille Derevenko.
Dans les mémoires de l'amie de la Tsarine, Anna Aleksandrovna Vyroubova, ou Tanaïeva sous son nom de jeune fille, elle dit :
" Il ne l'a pas tant gâté. Bien qu'il était très loyal et a eu beaucoup de patience. Je me souviens entendre Alexeï de sa voix plaintive dire « lève ma main pour moi » ou « bouge ma jambe » ou encore « viens me réchauffer les mains », et souvent Derevenko parvenait à l'apaiser ".
Cette mémoire de cette femme est assez étrange quand on pense à ce qu'elle a écrit plus tard sur le compte du garde du corps.
Bien qu'il avait en général un bon appétit, il est arrivé que le Tsarévitch se retrouve sans avoir l'envie de se nourrir, heureusement Derevenko parvenait, dans une certaine mesure, à le persuader à manger.
Andreï Derevenko a été décrit comme un bon mari et bon père de famille, bien qu'il ne passait pas beaucoup de temps avec les siens.
Puisqu'il ne retournait chez lui que les weekends, et encore quand l'état d'Alexeï le permettait.
Il semble avoir été conscient de l'importance de sa mission, être porté jusqu'au cercle intérieur de l'héritier du trône de Russie et il a été présent lors de la plupart des événements tragiques de la vie du jeune Tsarévitch.
Il a même tenté de tenir un journal où il a notifié toutes les activités de son protégé. Mais l'initiative fut de courte durée, elle dura régulièrement du 1 septembre au 28 octobre 1912.
Le contenu était assez banal et voici par exemple un extrait de ce qu'il a inscrit en date du 6 septembre 1912 :
Dans la matinée, nous sommes resté assis à la maison, sa jambe lui faisait mal. Je lui ai mis une compresse. Nous avons jouer aux cartes.
Je vous propose maintenant de retracer quels étaient les services que Derevenko devait effectuer :
- Veiller à éviter toute atteinte brutale à la personne du Tsarévitch ;
- Être le commis du Tsarévitch ;
- L'accompagner partout ;
-Tenter de soulager ses souffrances lors de ses crises d'Hémophilie ;
- L'aider pour toutes sortes de tâches :
. La toilette ;
. L'habillage ;
. Le transport de marchandises ;
. Le porter lorsqu'il était souffrant ;
. Le rincer après chaque baignade ;
. et cetera ...
Lorsque Alexeï était alité en raison de sa maladie, il arrivait que Derevenko reste des heures assis sur une chaise à quelques mètres du Tsarévitch.
Il veillait de toute sa bienveillance à soulager, comme il le pouvait de ses faibles connaissances médicales, l'héritier en " levant son bras " " bougeant sa jambe " ou encore en le " massant où ça faisait mal ".
Il arrivait qu'Alexeï fasse référence à son garde du corps sous le surnom de « zhir » ce qui est traduit en français par « gras » comme la citation suivante le démontre :
« Regardez gras courir ! »
C'était bien entendu une marque d'affection de mauvais goût et il semblerait que même s'il ne laissait rien paraître Andreï l'ait mal pris car il était en effet, comment dire, obèse.
Mais d'où peut bien venir un tel surnom ?
Jeune enfant, Alexeï était très, très actif et courait partout et du coup, le pauvre marin devait le suivre. Ce dernier arrivait à le rattraper mais souvent épuisé.
Mais habituellement le surnom d'Alexeï pour son marin était " Dinah ".
En 1912 eut lieu, en Crimée, le Festival des Fleurs.
Pour l'occasion, la Tsarine avait comme à son habitude organisé une vente de charité qui eut lieu le 27 mai à Yalta où le Standart était ancré.
Cela permettait à l'Impératrice d'aller se reposer de temps en temps à son bord quand elle n'était pas bien.
En 1913, la famille impériale ne se rendit pas en Crimée en raison des célébrations organisées pour le troisième anniversaire du centenaire de la dynastie au pouvoir, les Romanov.
C'est en 1914 qu'ils revirent leur douce Crimée.
Le Festival des Fleurs fut organisé le 11 mai, de nouveau à Yalta.
Comme de coutume, une vente pour la charité fut organisée et cette fois-ci, les Grande-Duchesses (ou Tsarevna) disposaient de leur propre table au marché.
Le Tsarévitch se sentait bien et a passé une très bonne journée.
Je précise qu'ils participaient aux festivités locales en total anonymat. Un marchand organisait des jeux à son stand et avait en sa possession un baril rempli d'avoine et s'y trouvait dessous des prix cachés, notamment une bouteille de Champagne. Pour la somme de cinquante kopecks, on pouvait tenter sa chance.
Naturellement, en conformité à sa personnalité, Alexeï voulait avoir une chance d'y arriver. Il était fou de joie quand il a trouvé la bouteille qui, à son insu avait pourtant été placée en sorte qu'il ne puisse l'atteindre.
Il était si heureux qu'il a défilé à travers toutes les rues où se trouvait les marchands et voulait ouvrir son prix. Derevenko et le Tsarévitch se sont disputé toute la journée à ce propos. En effet, Alexeï voulait boire son champagne et Derevenko ne désirait pas le laisser faire.
Après la Révolution russe
Ci-dessous, une vidéo reprenant les derniers moments des Romanov.
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Pendant les premiers jours du désordre suivant l'abolition de la monarchie, il se trouve au village d'Aleksandrovsk, tout près de Tsarskoïe Selo.
Il y est logé avec les autres marins appartenant à la Garde impériale.
Il est probable que des émissaires du gouvernement provisoire l'y aient interrogé. Il n'a, apparemment mais il n'y pas de preuve, subi aucune blessure physique. Mais peut-être sa famille a-t-elle été menacée s'il continuait à assurer la protection du principal danger pour la continuité de la Révolution :
la survie de l'héritier du trône tsariste.
Les événements concernant Andreï et suivant la Révolution de février 1917 sont très, très sombres et il est difficile de faire le tri dans tout ce brouillard d'informations contradictoires.
Mais nous ne pouvons écarter la théorie que Derevenko ait, sans vergogne, abandonné Alexeï, même si le seul témoin l'ayant mit par écrit fut Anna Vyroubova qui, au moment des faits, se trouvait dans un état émotionnel hors norme et qu'il se peut qu'elle ait comprise les choses d'une manière disproportionnée.
Jusqu'à ce que davantage de preuves aient été établies, on ne peut pas dire avec certitude qu'il ait été un traître.
Du chapitre XV de « Souvenirs de la cour de Russie » par Anna Aleksandrovna Vyroubova :
" J'ai été si secouée par cette expérience, j'ai eu un peu plus l'impression de supporter l'agonie.
C'est ce que j'ai ressenti lorsque avec ma chaise roulante, je passais la porte ouverte de la chambre d'Alexeï. Se trouvait affalé sur le fauteuil le marin Derevenko, qui depuis de nombreuses années avait été préposé aux soins personnels du Tsarévitch, et à qui la famille avait donné toutes les gentillesse, et tous les avantages matériels.
Profitant de la révolution, cet homme a affiché sa gratitude pour toutes leurs faveurs. Avec une ignoble insolence il hurlait sur le garçon, qu'il avait autrefois aimé et chéri. Il ordonnait qu'il lui apporte ceci ou cela.
Il ordonnait qu'il lui retire ses bottes !
Étourdi et apparemment seulement à moitié conscient de ce qu'il était forcé à faire, l'enfant a obéi.
Je pouvais voir dans les yeux du jeune homme la tristesse et l'incompréhension.
D'autant plus souffrait-il de la rougeole.
C'était trop lourd à porter pour ma personne.
J'ai caché mon visage dans mes mains, j'ai priai qu'on me retire de la vue ce spectacle écœurant. "
Mais pourquoi aurait-il agis de la sorte avec Alexeï, on sait qu'il l'aimait comme un fils et était très protecteur envers lui, quelques théories :
- Il se peut tout à fait qu'Anna ait mal interprété les choses :
Derevenko pouvait peut-être tout simplement demander, et non ordonner, au Tsarévitch de débarrasser sa chambre, ce que Nicolas et Alexandra demandaient au marin de faire de temps à autre.
- Peut-être Andreï était-il ivre.
- Peut-être que Andreï pressentait la fin des Romanov et a pensé qu'il ne pouvait se permettre de continuer à lui être fidèle parce que dépendaient de lui une femme et trois enfants. -Dans ce cas personne, je dis bien personne, ne pourrait le juger sur le fond, sur la forme, ça c'est autre chose-
- Nous savons qu'Anna était très réceptive aux affronts, mais le fait est qu'elle voyait un affront dès qu'une personne n'était pas chère à son cœur et Derevenko ne l'était pas. Il se peut donc qu'elle ait, d'elle même, analysé une chose qui ne s'est jamais produite telle que décrite.
- Une chose est sûre : dans les mémoires relevant de l'époque, la plupart des témoins s'accordent à dire que le marin manifestait une rancune à l'égard du Tsarévitch.
Un officier de rang supérieur envoyé par le gouvernement provisoire a laissé entendre dans ses mémoires que le Tsarévitch s'est apparemment vengé de l'épisode décrit par Anna Vyroubova en le faisant courir à travers les longs couloirs du palais Alexandre et en le traitant de « gros homme, gros homme ! » lorsqu'il parvenait à le rattraper mais en état d'essoufflement. Ce soldat décrit aussi comment Alexeï fessait référence au marin suite à son départ en juillet : " Sale ingrat ! " et " gros porc ! " - Mais il faut pendre cette mémoire pour ce qu'elle est : une tentative de salir la famille impériale de la part d'un révolutionnaire -
Mais nous ne seront probablement jamais ce qu'il s'est vraiment passé ni cela est vraiment arrivé. Il vaut donc mieux se souvenir de la relation entre " Dinah " et Alexeï comme d'une affection mutuelle, pleine de chaleur et de joyeuseté.
Image animée provenant d'une vidéo d'époque : Andreï Eremeïevitch Derevenko, le Tsarévitch Alexeï Nikolaïevitch, le chien Joy et un jeune marin ou cadet en 1915 ou 1916.
Je vais tout de même faire preuve de ma vision partisane et très peu favorable à l'agissement de Derevenko : si cette partie des mémoires d'Anna Vyroubova s'avérait juste alors le comportement de celui qui avait passé tant de moments avec Alexeï est tout à fait injustifiable et particulièrement lâche ! Mettons-nous à la place du jeune Romanov et imaginons ce qu'il a ressenti : un sentiment de trahison ! Et sans doute de la tristesse ! D'autant plus que toujours selon Vyroubova il y aurait ordres sur un ton grossier, insultes et menaces de coups. Après tout Andreï Eremeïevitch Derevenko était la personne la plus proche d'être considérée comme un second père par le Tsarévitch. Ceci étant dis ce n'est que ma vision personnelle sur un aspect de sa vie, tirée d'un témoin, dont la viabilité en tant que témoin est mise en doute.
Nicolas Sokolov, qui est le principal inspecteur et juge ayant statué, sous la gestion du Mouvement blanc de la ville d'Iekaterinbourg, sur le sort de la famille impériale de Russie a écrit à son sujet dans son ouvrage littéraire « Meurtre de la famille tsariste » : Le dyakha de l'héritier était aussi un maître d'équipage, lui a été confiée la vie du malade et il s'est avérait être un formidable serviteur durant les années du règne de Nicolas II. Mais dès les premiers jours de la révolution, il est apparu être, en dépit de l'affection qu'il avait pour le Tsarévitch, séduit par l'idée bolchevique et un voleur qui a abandonné la famille tsariste ...
Au mois de juin 1917, il quitte la famille et rejoins la sienne en Petite-Russie, l'actuelle Ukraine. Mais on sait de source sûre qu'il a par la suite demandé au gouvernement provisoire de revenir reprendre son poste de protecteur du Tsarévitch. Certains ont dit qu'il tentait d'utiliser la situation de la famille impériale pour ses propres intérêts, mais que penser quand on sait qu'il a tout fait pour avoir des nouvelles de la famille et a apparemment sincèrement voulu reprendre ses fonctions auprès de son maître. Après 20 ans de bons et loyaux services, entre 1897 et 1917, le " marin moustachu " tel que surnommé par le Tsar quittait le service de l'Empire.
Néanmoins, en date du 1er juillet 1917, « avec le consentement de l'ancien Empereur » il est nommé valet d'Alexeï Nikolaïevitch Romanov. Mais, paradoxalement, n'est pas inclus parmi les accompagnateurs de la famille à Tobolsk.
Le commissaire du gouvernement provisoire a écrit des années plus tard à ce sujet : « Le dyakha de l'héritier Alexeï, était bon marin, malheureusement pour la cause révolutionnaire qu'il comprenait sans totalement approuver, il était fidèle au Tsarévitch. Et disposait de la grande confiance d'Alexandra Feodorovna. Il s'est rendu, par ses propres moyens à Petrograd où il a confié une liste de dépenses nécessaire pour le jeune héritier emprisonné. Il demanda aussi à reprendre son poste de protecteur d'Alexeï Nikolaïevitch. La somme demandée était de 700 roubles. Le colonel Kobylinski lui refusa les deux requêtes. Et lui déclara qu'il ne reverrait jamais celui pour qui il s'était déplacé. Il fut informer que son second, Klémenty Nagorny avait pris sa place auprès de l'héritier. »
Mais il ne perd pas espoir de revoir son protégé et s'installe dans l'un des hameaux du goubernia d'Olonets en Carélie russe. Il y fait venir sa famille. Où il prends contact avec les anciens gradés au service de l'Impératrice Alexandra Feodorovna dont certains sont toujours autorisés à communiquer avec elle par correspondance. Ont été préservées plusieurs de ses lettres, dirigées vers Petrograd au commis Nikitin et à une photographe nommée Geringer. Les lettres couvrent la période allant de septembre 1917 à mars 1918 et sont essentiellement consacrées aux descriptions de l'état de santé du Tsarévitch et aux conditions de détention. Dans une lettre datée du 14 novembre 1917 qu'il a écrite : « J'ai obtenu une lettre venant de Tobolsk, de Nagorny, et datée du 10 novembre. Tous sont sains. J'ai écris au gouvernement mais on m'a répondu que le changement de gouvernement ne changerait rien ... Il est maintenant difficile pour moi de vivre. C'est dommage que je n'ai pas été autorisé à aller en Sibérie, avec lui ! »
Dans le chapitre « le Tsar perdu » du livre « Automne Romanov » de Charlotte Zeepvat, l'historienne et auteure écrit à quelques points près ceci : " Anna Vyroubova a affirmé avoir vu Derevenko intimidé Alexeï, criant des ordres au garçon trop abasourdi pour refuser. Si cela était vrai, ce fut une expérience bouleversante pour le Tsarévitch, bien que sa vérité ne soit pas si claire qu'elle ne puisse y paraître. Selon Anna, l'incident s'est produit le 20 mars, deux jours avant qu'elle ne soit arrêtée. Après un tel événement, il est sûr que le marin aurait été immédiatement chassé du palais, le gouvernement provisoire avait pour ordre, à l'époque, de traiter avec respect la famille. Mais il était encore présent au palais des mois plus tard. Peu de temps avant le transfert à Tobolsk du mois d'août, il a présenté une facture pour de nouveaux vêtements et des chaussures pour Alexeï au colonel Kobilinsky, le commandant de la garnison du palais. Il demandait une somme énorme si le paiement venait à être retenu. Le révolutionnaire refusa. Lorsque le marin s'est plain à la Tsarine, elle intervint en sa faveur, Kobilinsky lui a alors montré la facture. Elle prit parti pour le colonel. Lorsqu'il demanda à avoir la permission d'accompagner la famille à Tobolsk, le gouvernement Kerenski le lui refusa. Mais des mois après leur départ, il était en train de demander à être autorisé de se joindre à eux. "
Ainsi donc il a demandé à plusieurs reprises de rejoindre la famille mais il lui fut toujours répondu à la négative.
L'historien, journaliste et auteur Edvard Rdzinsky le considère cependant comme un traître, voici l'un de ses écrits à son propos : « Ce marin, a qui a été confiée la vie de l'héritier, a décidé de profiter de l'occasion pour s'échapper, enfin il a humilié l'enfant ».
Lorsqu'il apprends le sort réservé au Tsarévitch et au reste de la famille impériale, probablement par l'intermédiaire de Charles Sydney Gibbes ou de Pierre Gilliard, il s'effondre du point de vue émotionnel. Il a vraiment pleuré à chaudes larmes. Peu de temps après il rompt tout contact avec la plupart de ses proches, et peut-être y compris sa femme et ses enfants, et rejoins les rangs de l'Armée blanche où il défend l'idéologie tsariste telle qu'elle aurait été portée par son ancien maître, le Tsarévitch. Il meurt sous les coups des rouges en 1921 dans un certain village russe du nom de Tifa. Ce qu'il est arrivé à sa dépouille reste une information inconnue. Mais ce serait-ce que par son affiliation à l'héritier il a du souffrir et son corps a du subir un véritable calvaire post-mortem.
Quelques mois plus tard, en 1922, naissait l'Union des républiques socialistes soviétiques (U.R.S.S.) suite à la victoire des bolcheviques sur les tsaristes et autres groupes (socialistes-démocrates, républicains antibolcheviques, "fascistes", et cetera) du Mouvement blanc durant la guerre civile russe de 1917-1922.
Conclusion.
Que dire pour résumer la vie de cet homme ? Bien qu'il ait connu une fin de vie contestable, et contestée par de nombreuses personnes, notamment pour son "abandon" du Tsarévitch, il reste l'un des êtres qui était le plus cher aux yeux d'Alexeï Nikolaïevitch et il a durant des années accompli son rôle avec intelligence, chaleur humaine, compassion, amour, fraternité ... Gardons en mémoire le fait qu'il s'est lui-même condamné en entrant dans la guerre dès l'instant où il eut vent du funeste destin de la famille impériale.
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